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Naissance de la société à mission

Dans ce chapitre, vous en saurez plus sur :

  • les travaux des chercheurs de Mines ParisTech
  • le cadre légal structurant la société à mission
  • les différences entre mission, raison d’être et objectifs sociaux et environnementaux

Genèse et fondamentaux de la société à mission

Dès 2008, des travaux de recherche pilotés par Blanche Segrestin et Armand Hatchuel de la chaire Théorie de l’entreprise de Mines ParisTech ont tenté de répondre à certaines questions fondamentales que la crise de 2008 a fait resurgir : « A quoi sert l’entreprise ? », « A qui appartient l’entreprise ? », « Comment l’entreprise peut-elle utiliser plus clairement sa puissance d’innovation pour relever les défis contemporains ? ». Afin que l’entreprise retrouve ses capacités d’innovation et inventent de nouveaux modes d’action collective, ils estiment qu’elle devrait placer au cœur de sa stratégie la création d’un commun, reconnaissant la valeur du long terme, et remettant en question le principe de maximisation de la valeur actionnariale comme principe de gestion exclusif. 

La réflexion des chercheurs de Mines ParisTech a fait émerger une conception renouvelée de l’entreprise, adaptée aux enjeux contemporains, et a largement été reprise dans le cadre du rapport Notat-Senard de 2018 qui, à son tour, fut une source d’inspiration pour la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises ou loi PACTE, promulguée le 22 mai 2019. Cette loi est assortie d’un décret relatif aux sociétés à mission datant du 2 janvier 2020.

La loi PACTE propose un cadre ingénieux en 3 étages

1er niveau : la responsabilité des entreprises est consacrée dans la loi

L’article 1833 du Code civil entérine, dans le droit, le devoir de responsabilité sociale et environnementale pour l’ensemble des sociétés commerciales. Désormais, chaque entreprise se doit d’avoir la capacité de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans ses décisions. Cela crée de nouvelles responsabilités, en particulier pour les administrateurs.

Pour aller plus loin

Article 1833 du Code civil

2e niveau : la raison d’être

L’article 1835 du Code civil donne la possibilité aux entreprises d’inscrire une raison d’être dans leurs statuts « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». Cette possibilité permet aux entreprises volontaires de concevoir et projeter leur activité dans le temps long.

Pour aller plus loin

Article 1835 du Code civil

3e niveau : la société à mission

L’article L210-10 du Code de commerce introduit, dans le droit, la qualité de société à mission.  Cette nouvelle qualité de société implique l’inscription dans les statuts d’une raison d’être assortie « d’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ». L’article L210-10 impose également que les modalités du suivi de l’exécution de la mission (c’est-à-dire l’ensemble constitué de la raison d’être et des objectifs sociaux et environnementaux) soient inscrites dans les statuts de l’entreprise.

Ces modalités prévoient qu’un comité de mission, distinct des organes sociaux et devant comporter au moins un salarié, est chargé exclusivement de ce suivi. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, un référent de mission peut se substituer au comité de mission. Cela étant, 73% d’entre elles ont opté volontairement pour la mise en place d’un comité de mission au sein de leur structure. En effet, mettre en place un tel organe de gouvernance constitue une véritable opportunité pour enrichir sa gouvernance, prendre du recul sur l’exécution de sa mission, ou explorer de nouvelles voies pour mieux y répondre. Le dispositif est complété par l’obligation de faire vérifier par un organisme tiers indépendant l’exécution des objectifs sociaux et environnementaux.

La société à mission offre un cadre juridique robuste et exigeant pour les entreprises qui souhaitent être contributives, et intégrer la résolution d’un ou plusieurs enjeux sociétaux au cœur de leur modèle. Devenir société à mission implique une réelle mise en mouvement de l’entreprise qui l’oblige à entrer dans une dynamique d’amélioration continue, et ce, quel que soit son point de départ. C’est cette mise en tension, l’enrichissement de la gouvernance et le double contrôle qui permettent à l’entreprise de préserver son projet collectif et de se transformer (gouvernance, management, activités…).

Dans le cas des mission natives, créées avec un modèle d’affaires orienté dès leur création vers la contribution à un enjeu social ou environnemental, la mission induira des changements bien qu’elle n’ait pas vocation à faire évoluer les métiers ou pivoter le modèle d’affaires. C’est l’utilisation de la mission comme grille d’arbitrage pour prendre les décisions ou comme outil de management qui permettra de transformer les pratiques de l’entreprise, de préserver la mission dans un contexte de croissance rapide, ou encore de la décliner dans toutes les fonctions opérationnelles de l’entreprise (évolution du produit, recrutement, construction de la marque, etc.)

L’impact est constitutif de la mission

L’impact apparaît comme le résultat de l’accomplissement de la mission, et non comme le résultat d’un simple concours de circonstances. Le modèle de la société à mission donne ainsi un cadre aux entreprises pour le piloter et le pérenniser.

La société à mission n’est pas un statut

La société à mission est une qualité, ce qui signifie qu’une société qui l’adopte conserve sa forme juridique (par exemple, une SA peut devenir société à mission tout comme une SAS ou une SARL sans avoir à renoncer à son statut de SA, SAS ou SARL). Ainsi, toutes les formes de société relevant du Code de commerce peuvent devenir société à mission, y compris les mutuelles et les coopératives.

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